J'ai lu & j'adore
À travers les champs bleus, de Claire Keegan
Salammbô, de Gustave Flaubert
Les cinq cents pages ont gardé toute leur puissance, et leur contemporanéité. L’histoire défile à vive allure dans le cadre exotique somptueux de Carthage, lors des guerres puniques du IIIème siècle avant JC. Écrite dans une langue foisonnante, elle plonge le lecteur dans une ambiance à la fois magique, romantique et violente où courent les mots pour décrire les palais et jardins aux parfums déjà disparus, la guerre les ruses les alliances et les mésalliances, les victoires les revers de fortune et les sanglantes défaites, les dieux effrayants et les pratiques cruelles. Autre temps, autre monde.
Au cœur de ce chaos, assujettie aux projets de son père le puissant suffète Hamilcar, Salammbô, de sa beauté hiératique déchaîne les passions. Dans sa quête désespérée de rapporter à la déesse Tanit son voile sacré, volé par les barbares, quel avenir pourra être le sien ?
L'auteur mêle son imagination fertile, sa passion pour l'orient, avec le désir de développer une grande épopée guerrière l'habitant depuis l'écriture de Madame Bovary. Le récit riche et ultra documenté n'omet aucun détail des fortunes cachées comme des pires atrocités et des barbaries pratiquées par les deux camps. Les pages se tournent à toute vitesse jusqu'à la conclusion, forcément tragique.
Et puis, comment résister à cette première phrase ?
« C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar ».
Terres Promises, de Bénédicte Dupré La Tour
Au cœur d’un entrelacs de personnages, savamment tissé, les perdants les loosers de la ruée vers l’or prennent une nouvelle dimension. Dans cette épopée brutale les liens se font, se découvrent, et se défont.
Sans lieu, sans date, l’histoire se déroule et converge avec une grande force narrative, portée par une écriture littéraire et sans concession.
Terres Promises, de Bénédicte Dupré La Tour
Sixième et dernière lecture pour le Prix Libraires en Seine 2025.
Badjens, de Delphine Minoui
La propagande, la répression, la pression via l’éducation et la société, sont contrebalancées par les bidouillages VPN lui permettant de s’échapper via le net, se renseigner, de communiquer avec le monde, de militer, d'imaginer sa propre transgression.
La jeune fille surnommée Badjens (en persan "espiègle", "effrontée", mot à mot "mauvais genre") par une mère résistante à sa façon, rêve de tout envoyer balader, d’exprimer sa désapprobation, dans un mouvement choral féminin dire son indignation, brûler les carcans, faire bouger les choses pour elle, pour sa génération et celles à venir.
Est-ce possible dans cette région du monde, pour une adolescente des années 2020 ? Faut-il fuir, ou bien rester pour tenter de libérer le pays, quitte à mettre en péril sa vie ??
Sous la forme d'un roman percutant, Delphine Minoui, journaliste et auteure d'origine Iranienne, livre un témoignage indispensable.
Cinquième lecture pour le Prix Libraires en Seine 2025
Alors c’est bien, de Clémentine Mélois
Bernard Mélois, sculpteur, Prix de la Vocation 1963, a vécu toute sa vie avec ses idéaux, une certaine idée du grand, du beau, de ce qui suffit pour vivre, pour être heureux, de ce qui est nécessaire, important. Un artiste à la fois bohème et exigeant, un père imaginatif et présent.
Il y a dans ce récit, dans ces derniers jours et dans cette vie beaucoup d’amour, d’humour, une fantaisie assumée qui me plait tant, le travail créatif et l’inspiration mêlés à la vie quotidienne. Ce livre aborde également les thèmes intemporels et universels du souvenir, du partage, de la famille et de la transmission.
Un texte sur le deuil et la vie à la fois.
Alors c'est bien, de Clémentine Mélois
Aux éditions L'arbalète / Gallimard
Quatrième lecture pour le Prix Libraires en Seine 2025
Le dernier thé de maître Sohô, de Cyril Gely
Le mode de vie ascétique du Maître calme la fougue de la jeune fille déguisée en garçon pour tenter de réaliser ainsi son rêve : suivre son enseignement et devenir à son tour samouraï. Alors, lorsqu’il insiste pour lui apprendre le thé au même titre que le sabre, elle accepte.
Ce livre, comme un conte, aborde la vie la mort le combat et le quotidien, l’importance du minuscule et de tous les instants, parle de politique un peu et de poésie aussi. Il représente tout ce que j’aime : un beau titre, une très jolie écriture claire précise sans hésitation, un rythme soutenu pourtant aéré, une histoire qui fait voyager et apprendre, des personnages riches, de l'humour et une part de spiritualité.
Un roman très juste très fin, qui emporte par la puissance de sa délicatesse et son intelligence.
Cerise sur la gourmandise littéraire : cet ouvrage de la collection 1er/ mille édité chez arléa est très esthétique. Raison de plus pour le faire entrer dans sa bibliothèque.
Le dernier thé de maître Sohô, de Cyril Gely
Aux éditions Arléa, 1er/ mille
Troisième lecture pour le Prix Libraires en Seine 2025
Traverser les montagnes, et venir naître ici, de Marie Pavlenko
De leur rencontre nait un infime espoir, un être humain protégé par les montagnes. Jusqu’à qui, jusqu’à quand ? Dans les sublimes paysages du Mercantour la solidarité et la force des femmes emmènent le lecteur dans une danse prenante, entre l’espoir et la fuite.
Traverser les montagnes, et venir naître ici, de Marie Pavlenko
Aux Éditions Les Escales, domaine français
Deuxième lecture pour le Prix Libraires en Seine 2025
La Petite bonne, de Bérénice Pichat
Vers la joie, de Laurence Tardieu
Dans la première partie reviennent la force et l'angoisse mélangées du précédent livre de Laurence Tardieu, D'une aube à l'autre, racontant la terreur de tout parent : la maladie d'un enfant jusqu'au bord de la vie.
La deuxième partie aborde la période méconnue, sous-estimée et pourtant cruciale, de l'après, avec cette interrogation : "comment vivre après le combat ?" Quand la maladie est tenue à distance, le combat semble gagné, tout pourrait être derrière soi. L'auteure décrit de façon très juste le sentiment d'être perdue dans le temps et dans l'espace, la sensation de devoir à nouveau chercher sa place, quand les mots se dérobent et que l'on peine à s'ancrer dans la vie, dans sa vie.
Malgré ce que cette lutte a de destructeur, dans la dernière partie l'existence poursuit son chemin, des liens se tissent et la joie revient.