Le mal, la jalousie et la convoitise montent comme la gangrène au fil des lignes, dans le cœur des hommes, les bons les mauvais, dans ce conte haletant sombre et dense.
J'ai lu & j'adore
La perle, de John Steinbeck
Le livre de Perle, de Timothée de Fombelle
Au fil des chapitres aller et retour dans autant de lieux et d’époques, une quête éperdue se dessine tandis que Perle réunit des preuves de ce qui n’est pas sensé exister. Les histoires se rejoignent, et le rôle de l’écrivain lui-même au cœur de son imaginaire apparait dans ce récit haletant, magnifiquement bien écrit, bien raconté, où Timothée de Fombelle mêle avec talent magie, histoire, rêve, réalité, dans un roman libre et ambitieux peuplé de fées, de rois, d’animaux puissants comme d’hommes du quotidien.
Le Livre de Perle, de Timothée de Fombelle
Métaphysique des tubes, d'Amélie Nothomb
Aux côtés de la singulière petite fille de trois ans je me suis perdue dans les beautés du Japon, j’ai arpenté le jardin, observé la pluie, le ciel depuis le fond de l’eau. Dans la terre meuble de la petite enfance où tout semble permanent, naissent de l’expérience de nouveaux sentiments, de nouvelles idées.
Émouvant et puissant.
Aux éditions Albin Michel et Livre de Poche
Avec les fées, de Sylvain Tesson
La fée est-elle le lieu, ou le regard posé sur ce lieu ? Le furtif, le presque passé, ou ce qui reste à venir ? Si la beauté se suffit à elle même, le féerique serait-il alors un regard personnel et fugace porté sur les beautés du monde ?
Savoir voir la beauté du monde, la beauté autour de soi, la beauté devant soi, constitue un pouvoir magique.
Il y a sous la jolie plume de Sylvain Tesson autant de concepts simples et justes que d’autres plus complexes demandant réflexion pour mériter compréhension. Ainsi va la littérature offrant sa vision du monde. Ainsi grandit le lecteur.
Avec les fées, de Sylvain Tesson
Rose, de Tatiana de Rosnay
La forme épistolaire apporte au récit une dynamique renforcée par la tension que le lecteur sent monter au fur et à mesure de l'approche d'une échéance inéluctable. Au fil de ses souvenirs Rose replonge dans le passé, dévoilant de nouveaux pans de sa vie. L'écriture adopte un style bien accordé à cette fin du XIXème siècle, pour peindre avec des sons, des odeurs et des couleurs la vie quotidienne des parisiens, adultes, enfants, commerçants, nobles ou bien modestes.
Ce roman est peuplé de beaux personnages de femmes autour de la narratrice : son amie fleuriste, l'élégante baronne, maman Odette, ... Très documenté, il offre une passionnante promenade dans un Paris perdu, oublié, et propose, face aux rénovations nécessaires pour une ville plus saine et plus moderne, une tranche de vie des habitants, ceux qui ont été expropriés, obligés de changer de lieu de vie, d'abandonner à la démolition leur histoire et leur passé.
Rose est de ces livres que l’on regrette de terminer, dont on tourne avec tristesse la dernière page pour le laisser résonner en soi avant d’en choisir un autre.
Rose, de Tatiana de Rosnay
Dans une très jolie édition chez Héloïse d'Ormesson
Et au Livre de Poche avec cette belle illustration : Boulevard dans Paris 1885 (Akseli Valdemar Gallen-Kallela)
Le sabotage amoureux, d'Amélie Nothomb
L’imaginaire de l’enfant est retranscrit avec jubilation par l’écrivain adulte. Amélie Nothomb conte à merveille, de sa voix de petite fille, l’enfance où l’on ne vit que dans le présent, l’enfant centre de son propre monde, où un ange peut se révéler un démon, un monde avec ses lois ses principes sa cruauté, son sens des valeurs et du courage, dont les adultes sont exclus. Retour dans un monde oublié.
D'une écriture percutante composée de phrases courtes, d'un vocabulaire précis et lettré, de mots magnifiques (subséquente, amphigourique) ou étranges (épanodiplose), la toute jeune auteure - dont c’est le deuxième livre après Hygiène de l’assassin, manie les adjectifs comme un feu d’artifice, les phrases à la mitraillette comme la petite Amélie - cinq à sept ans dans le récit, les idées loufoques.
J’adore la pointe de folie, les mots à chercher dans le dictionnaire, l’humour corrosif et les remarques de génie. Le lecteur passe un moment formidable et ressort de la lecture plus intelligent.
Le sabotage amoureux, d'Amélie Nothomb
Aux éditions Albin Michel et Livre de Poche
Jours sans faim, de Delphine de Vigan (Lou Delvig)
Dans ce livre comme un journal de bord, hospitalisée aux portes de la mort et de la folie, jour après jour elle lutte contre elle-même, contre le double malfaisant à qui elle a donné un nom, contre l'impératif de contrôle qui régissait sa vie. Bouchée après bouchée, un liquide de gavage coulant par le nez, comptant les calories elle revient à la vie en voyant avec angoisse les kilos revenir. Épaulée par le médecin qui l’a prise en charge, écoutée, portée à bout de bras, vue pleurer, crier, elle avoue par bribes une mère malade, absente, un père furieux, maltraitant et une belle-mère assortie, une sœur et un frère également pris en otage.
Autour de Laure les patients - boulimique, anorexique, en surpoids ou en fin de vie, habitent chacun quelques mètres de l’espace hospitalier, mêlant aux autres à sa façon une tranche de vie.
La maladie pour seule moyen d’exister ? Si elle sort, si elle s’en sort, Laure devra, seule, répondre à cette question.
Ce roman, premier texte publié (sous pseudonyme) par Delphine de Vigan, fait écho au récit de son magnifique livre autobiographique, Rien ne s’oppose à la nuit.
Un récit dur, fort, puissant, très bien écrit, dont les mots et les idées sont aussi difficiles à lire qu’indispensables à dire.
Jours sans faim, de Delphine de Vigan
Ce que je sais de toi, d'Éric Chacour
Au cœur d’une Égypte en pleine mutation (politique, économique, religieuse, …), après la mort de son père Tarek a grandi et se construit au milieu de femmes fortes - sa mère, leur employée, sa sœur, sa femme. Son avenir semble tout tracé dans les pas de son père et l’espoir de bientôt fonder une famille.
Et puis il y a la rencontre, celle que l’on n’attendait pas, celle qui fait tout vaciller, celle qui risque de tout casser et peut tout changer.
Je n’en dirai pas plus, Ce que je sais de toi se lit, se découvre, au fil du récit finement analysé, les faits se succèdent avec fluidité. Le passage de la première à la seconde partie embarque dans un nouveau point de vue, apporte un souffle différent et dans le rythme accéléré aller-retour entre plusieurs années, à l’unisson du narrateur le lecteur avance en quête de vérité.
Eric Chacour reconnaît son intention dans les mots « lumineux, humour, tendresse », choisis avec justesse par Augustin Trapenard pour qualifier son livre dans la grande librairie du 13 septembre dernier. Un premier roman impressionnant tant au niveau de la création que de la réalisation. Un livre très maîtrisé, où la tension monte, guidée par une écriture riche, ample et précise.
Ce que je sais de toi, d'Éric Chacour
Finaliste du prix Libraires en Seine, auquel j'ai le plaisir de participer.