À travers le personnage principal se télescopent le milieu de la linguistique, celui de l’enseignement et celui de l’édition. Le microcosme islandais, sa géographie, ses conditions météorologiques dépassent le cadre de l'histoire pour occuper une place prédominante dans ce roman. Il y est question d’arbres, bien sûr, et de forêts, de rêves prémonitoires, de romans policiers, d’un lieu à habiter - au propre et au figuré, d'une terre à planter. On croise des nappes de brouillard d’origine indéterminée, un voisin difficile à cerner, un chauffeur de taxi halluciné, et un groupe de réfugiés en difficulté face à la langue islandaise - à laquelle le lecteur se trouve lui aussi confronté.
Tout cela se rejoint page après page ; à mesure qu'Alba prend en main son jardin et sa maison, c’est comme si le rythme s’accélérait, que paradoxalement les phrases s’allongeaient, que tout devenait plus léger.
Le flux rapide des dialogues réduits à l’essentiel va de sujet en sujet, écrit en phrases souvent courtes, s'organise en chapitres, se divise de sous-titres. Les idées, la construction, les échanges semblent particulièrement cadencés, peut-être cela tient-il à la langue islandaise, influant sur la pensée, sur le style. Cela apporte par ailleurs une modernité, une manière de simplifier intéressante, d’éviter les explications, de laisser deviner, que je trouve bien vue. Les personnages en sont plus clairvoyants, prêtent aux autres plus d’intelligence, évitent les lieux communs.
J’ai également aimé dans ce livre la réflexion sur la permanence de l’homme et celle de la langue, sur la possibilité ou non de la nature de nous sauver.
Éden, d'Audur Ava Olafsdottir
Publié aux éditions Zulma (très belles couvertures)
Finaliste du prix Libraires en Seine auquel j'ai le plaisir de participer.
+ De la même autrice, Rosa Candida est l'un de mes livres préférés (sur ce précédent sujet)